Le phare de Cordouan
Il faut remonter au Moyen-Âge pour saisir l’importance des phares sur la côte Atlantique et plus exactement la nécessité du Phare de Cordouan.
Le phare de Cordouan a été construit sur un îlot dit “éphémère” recevant à la fois un espace rocheux prolongé d’un banc de sable, souvent recouvert par la montée des eaux. Il est situé entre la pointe de Grave (à environ 7km) et Royan (à environ 12 km).
L’embouchure de la Gironde, bien qu’incroyable à observer, était dangereuse. Les marins s’en inquiétaient autant qu’ils la considéraient comme la plus belle d’Europe.
L’îlot sur lequel nous retrouvons le phare de Cordouan semblait être précédemment habité de deux phares. À l’époque nous parlions d’ailleurs plus d’une tour accompagnée d’un fanal, dont son origine provient du grec phanos qui signifie lanterne, que d’un phare tel qu’on les nomme aujourd’hui.
Nous trouvions sur cet ilôt deux tours, chacune accompagnée de son fanal. Pour certains, l’origine du mot “Cordouan” serait issu d’un des entrepreneurs des premières tours ; Cordouan, qui donna par la suite le nom à l’îlot et au phare qui l’accompagnait[1]. Pour d’autres[2] le nom de Cordouan dérive du nom donné aux bancs de sables : asnes et, comme situé au coeur de l’ilôt, on retrouve également l’étymologie latine cor. Ce qui donnerait donc, à terme, Cordouan.
Les premières occupations remonteraient au XIe siècle par deux moines ermites issus de la communauté religieuse de Cluny. Ensuite, au XIVe siècle, le fils d’Édouard III ; Édouard Prince de Galles, également surnommé le Prince Noir, vint habiter la tour lorsqu’il fut nommé à vie gouverneur d’Aquitaine. Il assure sa place de 1362 à 1372. C’est durant cette période qu’il fait élever une tour de 16 mètres accompagnée d’une chapelle dédiée à la vierge. Pour l’entretenir, il fait payer une taxe aux passages des Bateaux. Nommé la Tour des Anglais, Henri III demande à la restaurer en 1584.
Le 2 mars 1584, sous le règne d’Henri III, et en la présence de Michel de Montaigne (maire de bordeaux), Louis de Foix s’engage à construire le nouveau phare considéré comme étant une “œuvre royale”.
Cette première construction se révéla extrêmement coûteuse puisque les travaux furent ralentis par les guerres de la Ligue qui engendrèrent des retards de paiements et donc l’appauvrissement de Louis de Foix.
Dix ans plus tard, après avoir retrouvé la paix, Henri IV alloua des sommes importantes à Louis de Foix en guise de dédommagement couvrant :
- la construction de l’ouvrage
- les pertes et dégâts subis
- l’achèvement de l’édifice.
Un an plus tard, le 18 Juin 1594, l’architecte envisage un agrandissement et un embellissement de l’œuvre. Mais c’est seulement en 1595 qu’il entreprend les travaux. Il en résulte au total un édifice de 56 pieds de haut, soit 17,06 m de haut construit en pierre de Royan et de Taillebourg. Fort d’influence grec dans l’architecture occidentale du XVIe et XVIIe siècle, on retrouve un langage propre à la Grèce antique : des portails doriques, un architrave avec des corniches, ainsi qu’un étage corinthien. De chaque côté du portail un buste d’Henri III et un buste d’Henri IV sont présents.
Sous l’Ancien Régime, l’objectif de placer de nouveaux systèmes de feux provoquent un nouveau projet de restauration. Cette fois-ci le projet donne importance aux critères économiques plus qu’aux critères esthétiques, néanmoins on y conserve la partie inférieure, symbole “ à la gloire de la monarchie”. C’est un modèle plus sobre que le précédent avec une élévation tronconique. En 1850, Chaumont Gayet s’exprime sur la dernière restauration en expliquant qu’elle “ a fait disparaître sans doute des embellissements qui étaient en rapport avec l’architecture des deux premiers étages ; mais elle a rendu le monument plus régulier, plus solide et surtout plus utile à la navigation.”
Le phare de Cordouan n’est pas un simple édifice, c’est, dit-on, “le Versailles de la mer”. Il s’agit bien d‘une œuvre nationale, illustrant le pouvoir de la monarchie française aux navires extérieurs, mais renvoie également à l’idée d’une protection des rois par la lumière sur les vaisseaux français. Fort d’une fierté patrimoniale, le phare de Cordouan ne connaît désormais que des travaux d’amélioration technique et d’entretien.
[1] Les trois plus anciens phares de France CORDOUAN LES BALEINES CHASSIRON, de René Faille, ed. Quartier Latin, La Rochelle 1974 – Retour au texte
[2] Monuments historiques des côtes de France PHARES, sous la direction de François Goven et Vincent Guigueno, Édition du Patrimoine, Centre des Monuments nationaux, 2013 – Retour au texte